Assurer l’avenir des érablières : 5 principes clés à connaître

Marika Chabot, Relève familiale CDL et adjointe aux ventes

En acériculture, on parle souvent de la qualité du sirop, de la performance des équipements et des défis du marché. Pourtant, la gestion durable des érablières est tout aussi essentielle. Alors je me suis demandé : comment maintenir la santé de sa forêt, éviter les erreurs courantes et ajuster ses pratiques face aux changements environnementaux?

Pour mieux comprendre ces enjeux, j’ai échangé avec Jeannot Beaulieu, forestier, acériculteur expérimenté et lauréat du Mérite forestier provincial en 1993 et en 2013 pour la région du Bas-Saint-Laurent. Depuis plus de 40 ans, il met en œuvre des stratégies réfléchies pour l’aménagement de son érablière. Assis dans sa cabane à sucre, nous avons abordé les pratiques essentielles pour assurer la pérennité de cette précieuse ressource.

Jeannot et sa famille lors de la cérémonie de remise du Mérite forestier provincial

 

Jeannot Beaulieu est un véritable artisan de la forêt, où il a bâti un héritage à la fois durable et inspirant. Récompensé par le Mérite forestier, une distinction qui récompense l’engagement exceptionnel en gestion forestière et en développement durable, Jeannot a su allier expertise et vision à travers une gestion exemplaire de ses propriétés forestières. Avec plus de 1 300 hectares de forêt et une érablière de 44000 entailles, il incarne l’harmonie entre l’exploitation responsable et la transmission du savoir.

1.  Favoriser la régénération de l’érablière 

«Une érablière est un écosystème qui évolue avec ou sans nous », souligne Jeannot. En tant qu’acériculteurs, on fait une blessure chaque année aux érables sur nos terres. Donc contrairement aux idées préconçues, il ne suffit pas de laisser les érables à l’état naturel pour assurer leur pérennité. Il faut garder ses arbres en croissance maximale pour guérir le plus rapidement possible les blessures qu’on leur fait chaque année par l’entaillage. Sans gestion adéquate, la densité excessive des peuplements intensifie la compétition pour les ressources telles que la lumière et les nutriments. Lorsque la compétition augmente entre les érables, leur croissance n’atteint pas tout leur potentiel. Plusieurs études ont démontré une relation entre la quantité de sève à l’entaille et la taille de l’arbre. Il serait donc favorable de miser sur une croissance maximale chaque année pour ainsi favoriser la quantité d’eau d’érable à l’entaille. 1

Depuis 1985, afin d’assurer une croissance optimale de ses érables, Jeannot pratique des éclaircies ciblées en fonction des besoins de sa forêt. Il a observé que, bien que le nombre total d’arbres puisse diminuer, ceux qui restent deviennent plus robustes, résistants et productifs.

2. Reconnaître une érablière qui requiert une intervention

Comment savoir si une érablière nécessite une intervention? Jeannot recommande d’être attentif à certains indicateurs :

  • Une densité excessive : lorsque les arbres sont trop serrés, leur croissance ralentit et leur vigueur diminue en raison de la compétition pour la lumière et les nutriments.
  • Des entailles qui cicatrisent mal : un érable en bonne santé referme ses anciennes entailles en quelques années. Si ce n’est pas le cas, c’est un signe qu’il est en difficulté de croissance. Une entaille de chalumeau 1/4’’ se referme dans l’année suivante si vos érables sont en pleine croissance.

Jeannot soulignait également que l’aménagement se fait tous les jours. Il explique qu’au moment de partir en forêt, il apporte toujours un petit sécateur et lorsqu’il passe près d’un jeune érable, il prend le temps d’observer et sélectionner l’érable à favoriser. Il utilise ensuite le sécateur pour couper quelques branches de ce dernier pour ainsi avoir une surface d’entaillage futur sans défaut. Couper ces branches dès son jeune âge permettra d’obtenir un érable à entailler de très bonne qualité.

3. Intervenir au bon moment

Le moment des travaux forestiers est aussi crucial que leur méthode d’exécution. Idéalement, ces interventions devraient être effectuées entre octobre et février pour minimiser les impacts sur l’érablière.

En été, les érables sont en pleine croissance et leur écorce, plus fragile, les rend plus vulnérables aux blessures, augmentant ainsi les risques d’infections et de maladies. De plus, le sol meuble et humide peut être compacté par la machinerie, nuisant au développement racinaire et à la régénération de la forêt.

À l’inverse, en hiver, le sol gelé et la couche de neige jouent un rôle protecteur en amortissant le passage des équipements forestiers, réduisant ainsi l’impact sur les sols et les jeunes pousses.

Planifier intelligemment ses travaux forestiers permet donc de préserver la santé des érables, d’assurer une meilleure régénération de la forêt et d’optimiser la qualité et la longévité de l’érablière.

La famille Beaulieu en action dans la forêt

 

4. Maintenir une diversité d’essences

Pour préserver la résilience d’une érablière, il est essentiel de maintenir des essences compagnes, comme le bouleau jaune et le frêne. Ces arbres jouent un rôle clé dans l’équilibre et la biodiversité du peuplement forestier :

  • Le bouleau jaune favorise la diversité des sols et se régénère bien sur des sols minéraux.
  • Le frêne quant à lui, présent en zones humides, stabilise l’environnement et favorise la croissance des érables.

Les recommandations officielles suggèrent de maintenir 10 à 15 % d’essences compagnes dans une érablière aménagée, ce qui limite les risques de maladies spécifiques aux érables et renforce l’équilibre naturel de la forêt.

5. Couper intelligemment

«Avant d’abattre un arbre, demande-toi pourquoi tu le coupes », insiste Jeannot, rappelant que la gestion forestière ne doit pas être dictée par des gains à court terme, mais par la pérennité de l’érablière. Jeannot privilégie aujourd’hui une coupe sélective, ne retirant que les arbres nuisibles ou déséquilibrant le peuplement. Il me donnait l’exemple où il avait pris la décision de couper un érable de deux pieds de diamètre. Des voisins acériculteurs étaient passés le voir et lui avaient dit : «Mais Jeannot, est-ce que tu es en dépression?» Jeannot leur avait tout simplement expliqué que s’il ne le coupait pas maintenant, ce serait ces 5 beaux jeunes érables voisins qui périraient. Il avait préféré favoriser ces 5 érables plutôt qu’un seul pour assurer l’avenir de l’érablière. Cette approche assure une croissance optimale des érables restants et une production de sirop durable dans le temps.

Jeannot, accompagné de sa femme Marjolaine, de son fils Yvan et de sa fille Weena

 

Préserver l’érablière pour les générations futures

«Ce que nous faisons aujourd’hui dans une érablière, ce n’est pas pour nous, mais pour ceux qui viendront après nous.» Cette réflexion résume l’état d’esprit que Jeannot Beaulieu souhaite transmettre à ses enfants et ses petits-enfants. La gestion d’une érablière ne se limite pas à la maximisation d’une récolte annuelle, mais représente un engagement à long terme pour maintenir un écosystème en santé et
productif, et ce, à perpétuité.

« La forêt ça ne nous appartient pas, ça appartient aux générations futures, alors, c’est la forêt de nos enfants qu’on cultive aujourd’hui. »

 

1 : Rademacher, T. (2023). Les pratiques durables en acériculture : études, observations et réflexion pour des réponses éclairées. Producteurs et productrices acéricoles du Québec. https:/ppaq.ca/fr/blogue/les-pratiques-durables-en-acericulture-etudesobservations-et-reflexion-pour-des-reponses-eclairees/

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